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Jean-Michel Maulpoix & Cie

Photographie Vol.4

Tables d'écriture


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C'est toujours le commencement, la même aventure incertaine. Le silence guette, la page grisonne, peu de désir travaille. Le jour tarde sous un entassement de feuilles et de fleurs de tilleul. Edredon de blancheur légère. On s'est allongé dans l'herbe, on prend le temps de disparaître. Ecrire est une affaire de cicatrices et de sanglots.

 

A son heure vient une vie curieuse. Vieillard et nouveau-né couchés l'un contre l'autre. On se relève. On ose un pas. On se promène, pieds nus, après l'averse. Il reste peu de souvenirs. Poitrine sèche. On a quitté son vêtement de chair pour un lacis de nerfs qui s'effilochent. Tout ce qui meurt nous fait litière.

 

Le son d'une flûte, et l'obsédante blancheur feutrée. Un dimanche après-midi dans la tête, désastreux, ordinaire. Feuilles, encoignure gris-ciel, pétarades, cris et pépiements. Ni plus ni moins que d'habitude. Tache de soleil et moteur mis en route. Les objets et les mots. Ombre de l'ombre. On se regarde un peu de biais et l'on attend.

 

Extrait de Un dimanche après-midi dans la tête, de Jean-Michel Maulpoix, Mercure de France.

 

Montainville, 2001

 

 

Montainville, 2001

Montainville, 2001

 

Dampsmesnil, 2004

Dampsmesnil, 2004

 

 

La Muse araigne (fable)

 

Que fait l’araignée dans son recoin d’ombre ? Là où toute vie s’est arrêtée, elle sécrète les formes les plus fragiles. Poursuivant son ouvrage de bave, elle ne bâtit pas, comme l’oiseau, un nid de paille et de boue. Elle ne prend pas comme lui son envol. Immobile, elle dévide, elle ourdit sa toile. Elle convertit l’heure en espace. Sa demeure n’est pas posée sur les choses, mais suspendue dans l’intervalle qui les sépare. Elle prête ainsi au vide une géométrie, une structure, des attaches. Elle le donne à voir. Matière, mais si impondérable, si fine que nul ne pourrait sans la détruire la prendre dans ses mains.

 

Rien, cette écume, vierge vers...

Telle est aussi la toile d’encre du poème. 

 

Il faut penser de tout son corps, écrivait Stéphane Mallarmé à Eugène Lefébure le 27 mai 1867. Tisser avec sa propre vie ces minces rideaux que sont les phrases. Une fine toile de sens et de sons. Solide et musicale autant que précaire. Et devenir alors soi-même, dans l’expectative de la chambre, pareil à cet insecte énigmatique et obstiné.

Ou pareil à la boîte en bois du violon dont les cordes vibrent.

Un poète est un instrument à cordes. Il suspend sa petite musique dans les angles morts de cette vie. 

 

JMM. L'instinct de ciel, Mercure de France, 2004