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Restes de Quentin Biasiolo

On lira des extraits d'un livre en cours de Quentin Biasiolo "Lettres à Camille" sur le site du Nouveau recueil.

Né en 1991, Quentin Biasiolo est normalien, agrégé de philosophie.

L'art d'accommoder les restes


Préface au recueil Restes de Quentin Biasiolo,
publié en novembre 2016 aux éditiuons de l'Amourier

par Jean-Michel Maulpoix

On pourrait croire que les poèmes en prose de Quentin Biasiolo ont été écrits par son ombre. Étrangement en alerte, une attention d'outre-tombe trouve à se dire en des phrases aussi précises qu'elliptiques. Leur vitesse d'exécution est si rapide que le lecteur se voit tout désemparé, en même temps que sollicité et séduit par cette gymnastique mentale. Il ne sait plus où donner de la pensée ni sous quel angle considérer ce qui pourtant est là, déroutant mais nettement établi, mi-figue sur la page, mi-raisin sous ses yeux...

La situation de départ est simple : inquiet de ses gestes, curieux de son silence, un homme s'adresse à une femme, à mots comptés, avant que celle-ci, à son tour, se substitue à lui et que deux paroles alternent au fil des pages. Mais ces propos sont tenus d'une manière si vive et si énigmatique que cela fait poème : sur fond de vie quelconque et de dédoublement, l'unique se dessine. C'est bien de cela, semble-t-il, que procède l'écriture : le singulier, le furtif, cueillis à même le familier par une espèce d'oeil intérieur dont l'acuité photographique s'avère considérable, surtout quand il s'agit de capturer des ombres.

"Nous prenons garde aux saisons restées à l'intérieur de notre ombre", dit l'homme.  Ou bien : "Tu ressembles aux idées que je me fais de toi". N'est-ce pas pour elle, cette femme en miroir, à la fois si proche et si indépendante, qu'il change ainsi de focale, joue avec des cadrages fictifs, et invente des géographies déroutantes, en ajoutant : "j'ai moi-même quelques dehors à portée de main".

L'un et l'autre font jouer leurs ombres. Ils convoquent des souvenirs de lectures, des échos de musiques que nous percevons en sourdine. Comme celles de la vie quelconque fuyant au long des rues, ces traces sensibles sont absorbées par ces organismes à capteurs sournois que sont les poèmes : ils en livrent les restes. Ce sont les blasons de nos ombres.