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Le nouveau recueil

Revue trimestrielle de littérature et de critique

N° 85, décembre 2007

(éditions champ vallon)

 


 

Le numéro 85, qui paraîtra en décembre 2007, sera le dernier de l'édition "papier" du Nouveau recueil. La revue poursuivra ensuite ses publications sous une forme électronique, à l'adresse www.lenouveaurecueil.fr

Le dossier de ce dernier numéro sera intitulé : Lettres imaginaires

Argumentaire : "Ecrire des lettres… Cette tâche ou ce paisible plaisir devient chose rare au temps des « emails » et des « Sms »… Peut-être cette occupation d’un autre âge ne sera-t-elle bientôt plus que le fait de rares écrivains conservant leur fidélité aux rituels de la plume, du papier et de l’affranchissement postal. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de proposer à quelques-uns de se livrer, comme par jeu, à ce vieil exercice en composant une missive (plus ou moins) imaginaire. Voix ouverte, voix offerte, écriture adressée : l’occasion d’inventer et de nouer un lien, moins avec un destinataire réel qu’avec un lecteur inconnu. N’est-ce pas là que commence et prospère la littérature ?"

JMM

 (Voir le sommaire complet du numéro)


   Extrait du dossier :

Paul Fournel : Cher Monsieur...

 

Cher Monsieur,

Je suis désolé de devoir vous écrire cette lettre mais je vais vous expliquer à quelles extrémités je suis parvenu pour me voir contraint de le faire.

Mon ordinateur a été victime de l’agression massive du virus « Pénis Soviétique » dont on murmure qu’il a été initié par des nostalgiques de la guerre froide et qui ne vise rien moins que l’ensemble des ordinateurs d’occident. Son objectif aujourd’hui dévoilé étant de dévorer les courriers électroniques et de réduire la moitié du monde au silence avant de le bâillonner. D’après les spécialistes du contre-espionnage, il se serait introduit dans la machine lorsque mon chat aurait tapé par inadvertance le code secret du Pentagone en faisant pattes de velours sur mon clavier.

Ayant plusieurs cordes à mon arc, je me suis aussitôt retourné vers une technologie régressive afin de pouvoir vous joindre. Mais depuis quelque temps j’avais remarqué que mon fax miaulait par intermittence. Sans doute souffrait-il de quelque bizarrerie mécanique ou d’un défaut de graissage (j’ai les taches de gras sur le papier blanc en horreur). J’ignorais que ce miaulement fût le bon et qu’il reproduisît exactement le feulement de la chatte en chaleur. Mon chat lui ne s’y est pas trompé et, sautant sur la machine, a introduit son sexe dans le guide feuille avec une fougue toute féline et une imprudence toute masculine. Mon fax s’en est aussitôt trouvé castré. Suite à cet accouplement contre-nature il ne marche plus et ne se reproduit plus. Avantage secondaire, il ne miaule plus.

Rendu nerveux par les événements, mon chat encore sanglant de son accouplement malencontreux, a dévoré par esprit de vengeance le cordon de mon appareil. Ce dernier pendouille dans le vide et rend ainsi mon téléphone fixe parfaitement mobile mais plus du tout téléphone. Je suis donc dans l’incapacité de vous appeler.

Au moment même où mon chat sectionnait le cordon de mon fixe, je me suis laissé tomber de découragement sur ma chaise, ce que l’on peut comprendre. Je ne me souvenais plus, tout perturbé que j’étais, que j’avais, dans l’urgence et la gravité de la situation, glissé mon téléphone portable dans la poche arrière de mon pantalon. Je dois confesser avoir pris quelques kilos depuis notre dernière rencontre aussi l’ai-je proprement écrasé sous mon poids, le rendant incontinent inutilisable.

La Poste ne délivrant plus depuis longtemps de pneumatique, vous comprendrez l’obligation dans laquelle je me trouve de vous adresser une lettre en papier hérissée d’un timbre.

J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur et me pardonnerez cette audace rétrograde.

Bien épistolairement à vous,

Paul Fournel