Pierre Grouix

 

rivière sans rivale

(Poème paru dans le numéro 73 du Nouveau recueil en décembre 2004)

 

Pierre Grouix, Thierry Clermont et François Trémolières (été 2004)

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Pierre Grouix a publié en 2004 deux traductions du suédois de Finlande (L'année, telle une feuille de Bo Carpelan, éditions Grèges ; Le ciel brille à travers les mots de Josef Julius Wecksell, collection 'Pour une rivière de vitrail', éditions Rafael de Surtis) et une traduction du danois (Connaissez-moi par mon inconnu de Michael Strunge, éditions Grèges). Il a coordonné le numéro triple de la revue Scherzo (Littératures de Norvège).

     

     

    à la seconde de son apparition, l'orée des années blondes et des instants très vrais, un voile d'eau sur les yeux du rêveur et la beauté de plus belle

    les feux sauvages couvant des siècles avant que l'homme sur terre, les alezans du vent et la veine ouverte du volcan, l'aurore boréale ou la lumière nordique (justice à ses cheveux)

    elle dans des yeux nés pour la voir, les mondes où vivre exact, la terre aimée et les silences, un espace de confiance

    la menait-il sans mot à l'eau de la rivière (l'enfance), méandres invisibles et poids du soleil, le temps se recousait et les mondes avaient lieu

    et s'il penchait ses traits sur ceux de l'eau, le visage blond en sourdait, traits de l'amour précis et musique invisible

    quant à savoir qui d'elle ou de lui, elle toujours, par la force des choses et pour que le temps soit

    il n'aimait rien de lui qu'il ne préfère en elle

    ce qu'il était peut-être en son silence abrupt, il s'en souciait comme du dernier flocon, d'une guigne ou bien de choses sans importance

    ce que ses larmes lui apprenaient de lui, il s'en serait passé, l'aurait laissé brûler près de l'eau en silence

    il aimait moins ses paumes indignes d'elle que le vent du soir à l'encontre des épaules blondes

    auprès d'elle et près de la rivière, en un jardin de roses ouvertes vraies, brassée de clair sous le ciel et par l'eau douce des choses

    hauteur, beauté, intensité, tous les accents étaient sur elle et le silence du monde

    ce qu'il pouvait bien dire de lui par égarement ou par faiblesse ne comptait pas, les accents étaient blonds et bleu le ciel où vivre

    il y a plus beau que l'or puisqu'il y a elle

    il chérissait surtout les moments non loin d'elle, légers carats de temps, pas d'autre musique que le silence, rêve et chanson précise

    les images sur elle plus qu'aux lèvres qui l'aimaient, des mondes plus blonds que le noir d'encre de ses cheveux à lui, l'incendie et la grâce plus que la cendre ou que la nuit

    quant au silence sous le silence, la paix profonde dont il était le lieu, il n'y atteignait que par elle, intercession en blond, entremise claire

    pour rendre ses pas en chemise blanche vers le bois clair du fjord sous la lune dès le soir, le rêve d'une encre blonde, de mots qui disent enfin

    la baie au loin sous le bleu (tout ce pouvoir aux mains de la lumière), il la regardait sans la lire ni même chercher à la connaître jamais

    pour un matin à ses côtés, un seul, pour la lumière ès-ses mains, noces de l'or et du lait, mille fois le pire des nuits, l'encre noirée et volontiers le vacarme du temps (ses battements)

    principe des crépuscules, elle se couchait dans les draps souples de la brume et se réveillait nue dans le lit d'or des rivières

    les moments sans rien et les très pauvres heures, il les passait aux environs de son visage à simplement se taire, une bougie sur la table

    à ces heures dénuées, temps de grand silence bleu, le bel amour qui est aussi la transparence du jour

    jamais un mot plus haut que l'autre, une ligne de musique et l'équilibre des choses, le feu de la flamme d'une bougie qui soit aussi le vol d'une chevelure, l'anniversaire de la princesse

    elle et lui aux heures romantiques, le soir éteint et le monde en allé, la table de bois clair et la bougie nécessaire

    à la dernière bougie mouchée par le premier vent d'aube, sur les lattes de la table sans vernis, des stalactites en blanc, comme les larmes de la neige

    elle s'adonnait au plus aux seules notes très petites, toute fin de la musique et début du grand chant

    cette route à l'intérieur qui allait vers nulle part, il la longeait surtout pour la traduire vers elle, tendresse à jamais et rivière de silence

    l'entrée dans le pays profond et l'accès blond, il les demandait sans rien dire à ses yeux de beauté, parfum vrai du jour et langage bleu des fleurs

    première nervure des herbes, elle s'arrêtait au tout bord du chemin et parlait sans un mot à ses petites soeurs les fleurs, lilies et marguerites

    un peu / beaucoup / à la folie mais nulle passion à l'attachement du chèvrefeuille, un parcours libre, une tendresse d'éclair

    petit à petit, le sang des bougies se tait, le temps fond en lui-même, la nuit s'avance et c'est soudain le soir

    par la grâce de sa beauté vers le crépuscule, reflet de glace l'hiver sur le fjord, des pleurs lui venaient tout soudain qui ne savaient se taire

    au collier qu'elle tenait en sautoir à son cou, le fil du temps et les perles des larmes

    ce que ses larmes avaient peut-être à lui souffler en silence pour rien, elle ne prenait pas le temps de l'entendre mais filait dans la nuit subreptice, invisible, à la norvégienne

    mille fois d'abord le vent et sa tristesse trop seule, le nom rivière de camilla gjørven, l'étoile du nord et le chemin perdu, préséances blondes

    il ne se rendait pas au nord en lui (la sente en bleu et le silence très simple) mais n'allait tout au plus qu'à l'exact contraire des mots dont il avait rêvé, impasse et fausse route

    et pour seul trésor pauvre, une encre éteinte, des sons qui ne trouvaient musique, mains trouées par où fuyaient les mots qu'il aurait souhaité dire, rivière du blond et accents de duino

    de cette mer précise qu'elle était, la norvège, il n'avait ni l'eau ni les vagues, la clé, rien que le souvenir, laisse et écume

    quant à l'impossible dans la vie (elle revenant à leur paix tant aimée, leurs doigts tissés en reverdie), il le rêvait comme il pouvait, souvent mal et sans mot

    le ciel était vide, la rivière sans eau, veuves les étoiles de jour

    la loi de perte voulait ceci : ses larmes ne séchaient pas, ses doigts le quittaient, l'encre gelait ses veines, il n'y aurait que lui

    ce qu'il avait perdu (ce qu'il était), il ne savait en retrouver la voie mais pouvait tout de même en rallier la route rouge, accents du chant et traits de son visage

    le haut chant triste, la pluie l'entonne en silence et la neige en flocons, note sur note et composition sombre

    ce coutelas de douleur, il se voyait mal s'en délester, le reléguer, voire s'en faire l'exception, la route passant aussi par ce fil

    à perte de nord, on le verrait errer sans raison et sans but, laissé de tous, lassé de lui

    jusqu'au matin fermait ses portes, les rivières étaient nues, le silence sans défense

    vega si l'on veut, la lyre et le chariot, les moutons blancs des marées sous l'étoile du berger mais un ciel malgré tout sans étoile et sans nord, un espace vide, jachère de rien

    né d'un manque, ouvert par perte, ne sachant pas et ne trouvant jamais, il ne voyait le monde que voilé de ses larmes et de mal, de sang en lui et de silence brutal

    il ne savait que faire, les mondes se détruisaient, tout se fermait par une clé d'impossible, malheur et songe

    quant au grand silence blanc que lui tendrait sa mort, l'empire des neiges, il lui en voulait plus que tout de lui dérober l'amour

    aveugle à canne blanche sur la neige

    fil de l'encre, fil des larmes, confluence terre blonde

    l'or du visage, les sillons des empreintes sous les doigts qui caressent, l'iris de l'oeil qui regarde mais tout de même les larmes versées pour identité vraie

    ce qu'il ignorait de lui, ses larmes le devinaient davantage que les sibylles en leur antre, que la place saint-marc du café ou le cristal de la gitane (les lames d'épée du tarot) mais l'emportaient au fil des joues, le laissant seul, inconnu et sans rien, privé de tout, ôté de lui

    il ne s'agissait pas de contrer les larmes qui le dansaient, de les tarir ou de les taire mais au revers de les vivre libre, les traverser sauvage

    de l'eau des pluies ou de celle des larmes, leurs cousines en petit, il ne savait au juste quelle était la plus pure et celle de son baptême précis

    calmement calmes, simplement simples, seulement seules, larmes de cœur

    via la route la plus exacte, le raccourci de fer et la gangue de la foudre

    pleurs pour pleurs, les larmes le traversaient sans se soucier de lui mais en se souvenant d'elle et cela seul comptait

    aussi peu que les pleurs puissent dire, au plus près du silence, le plus exact des larmes

    il se devait aux pleurs qu'il était, la saison lourde, sac et pillage du sang, cœur crevé et croix du malheur, immense silence du temps

    larmes des mots, rivière du temps, passerelle de lin et cours d'eau des silences

    comme l'eau dans l'eau, le feu dans le feu et le silence dans le silence, jusqu'aux larmes pleuraient, l'intérieur de l'eau, fibre et matière des choses

    les larmes ne troublent pas le cours de l'eau mais s'y diffusent sauvage, s'y perdent ou bien s'y trouvent, s'y noient sans doute, les rivières pleurent aussi

    de chacune de ces îles qu'on disait nées des larmes des dieux, il était l'insulaire malheureux, l'échoué dévasté, le robinson détruit

    aux heures les plus vives, l'acmé du mal, la charge, ses mains elles-mêmes pleuraient, crue des larmes et rivage impossible

    de l'aubier à l'écorce, du ciel à l'azur et de l'or même au blond, moins de distance que de la larme à son pleureur

    le mot de neige dans celui de norvège et le silence dans la musique

    les larmes pleurent même le pouls de la rivière, la voix des fleurs et le murmure des mers, les larmes pleurent tout

    à force de tant et mal pleurer, des ravines sur ses joues, un passage pour le mal et la foudre du silence

    le fil du temps par le chas de l'aiguille des montagnes de norvège

    la mer pleure moins que le fleuve et la rivière moins que le ru ou que les gouttes de l'eau

    qui pleure le plus pleure le moins

    à la palette de sa tristesse, les pleurs de boabdil, le rose blessé des murs de troie, chacune des teintes de la défaite, des larmes de la couleur de l'arc-en-seul

    nuit obscure, jarre du pire, vase florale des rivières, abysses du pétrole ou adret des versants, tout était cousu de fil blond

    pas des pleurs d'une nuit d'encre, des larmes de la couleur de ses cheveux, le blond définitif

    au tamis de son encre, les parcelles de la fine douleur, ses particules et pour finir la nature même de l'or, des larmes de la nation du blond ou de la pluie en feu, oriflammes mouillées, armoiries liquides

    les pleurs que l'on verse pour une femme blonde sont des larmes en or

    les larmes sont proches de l'invisible comme le blanc l'est des neiges de là-haut, du lait des vaches sacrées de l'inde ou des murailles aimantes du taj

    si certaines larmes font croître le chèvrefeuille qu'elles lancent vers le ciel, d'autres l'achèvent plus sûr, l'arrêtent, l'empêchent, le noient, l'enfoncent dans ses artères, le tuent de parfum blond

    sève oblige, les lèvres du chèvrefeuille se doivent aux mots nus, musique simple et parcours dans le temps

    ce grand bleu de silence et de calme, la route de neige et le destin des veines, comme un parfum de chèvrefeuille, le galbe des ombres du taj mahal

    ce que l'aiguille de la boussole déchire en lui, son frétillement d'acier au pôle (l'or du nord), les murs du taj et les ailes vertes du chèvrefeuille

    à de certaines heures trop lourdes, un niagara de larmes, une tristesse pour la norvège mais l'amour malgré tout, un taj mahal de chèvrefeuille

    le blanc des formes du taj mahal autant que le rouge vif des baies du chèvrefeuille, trois gouttes de sang sur la neige, rive ténue, fine musique

    le chèvrefeuille ou bien le taj mahal, quoi qu'il en soit les mondes purs, quelque chose du cœur et du nom de camilla gjørven

    au nord du nord, plus loin que la neige infinie, les noces de l'inde et des norvèges, un chèvrefeuille à la blancheur de taj, une plante enfin sentimentale

    il leur donnait sans regret la lumière et le sud qu'ils goûtaient pour prendre solitaire des routes de nord et de mort

    qu'ils brûlent du feu d'excès de leurs étés, du soleil brut de leur orient, ardeur des villes d'empire et royaume de cigales, se fondent hiroshima à leur folie de sud mais de grâce dieu m'accordent par pitié pure ce nord aimé au-delà des raisons qui est mon chemin blanc, neige la plus pure foulée par âme et mon portrait le plus intime, miroir enfin où je ne serais plus (propos du chèvrefeuille)

    qu'ils cessent malades sous le crime qu'est l'été, la furie des lumières et se soûlent à périr du sud qui les prend mais me laissent filer libre vers le blanc de la neige, mon visage en très calme et tout autant le chant de mon silence (vœu de chèvrefeuille)

    que leur été les prenne et qu'ils s'enivrent à plus soif de feu solaire si tel est leur lot de lumière mais me permettent de rêver tout au nord ma petite étoile vive, astre du sort et de mes lignes, grande vie réelle et blanche, mon vrai visage sous le silence (incise du chèvrefeuille)

    qu'il se consument au feu dément de leur lumière, que l'épée de l'été les traverse, les crucifie si tel est le rêve qu'ils en ont (les traits de leur visage) mais par pitié le silence et le calme, grande paix blanche au nord de tout et unique pétale à la rose blonde des vents (souhait de chèvrefeuille)

    ...qu'ils se gavent de sud à plus faim et se brûlent d'orient, songes et lumière, mais que nul ne profane le blanc qui est le visage vrai, la clé parfaite qui n'ouvre rien...

    ... mon nord qui est mon visage doux, ma paix aimée et route plus douce que soie puisque la neige en est, été du blond...

    au sud de leur sud, un orient de mille et une lumières mais pas la teinte précieuse qu'elle seule détient et le miracle en or (un lieu enfin sans sud, un pays bleu sans ombre)

    le feu de l'été (tout ce sud), il était loin de le confondre avec son or à elle, entaille vive et défaite qui n'aurait pas de fin

    plus que le dard de leur été et la lumière de leur suds ou orients, la mer du nord et partant l'éclat de ses yeux

    pour unique flèche à éros, l'aiguille de la boussole fichée plein nord

    on le saurait par son amour aimant du nord, grand songe de blanc sur la rive plus précise et delta de la neige, par le silence enfin dont il était capable, haleine de brume sous ses lèvres muettes par haut froid

    saumon de sa mémoire, il remontait à force de muscles l'amont brutal des mers pour renouer sauvage avec les eaux de sa naissance et mourir libre au moment de l'amour, note précise et déchirure de l'eau

    pour ce qui est du songe en or(aimer), il ne prétendait pas en être le rêveur mais rêvait juste d'en être le rêve

    quant au grand songe qui l'avait pris, pur chant de blond et de silence, il le laissait le parcourir sans opposer de résistance

    jamais aussi peu lui-même qu'en silence vers le nord à errer dans la neige, jamais aussi heureux

    que le feu blanc le prenne, que le silence l'emporte, l'empoigne dans sa torche et l'abandonne perclus tout au bord de nulle part (l'invisible)

    auréolé de tant de neige, il n'en brûlait pas moins dans le feu du silence

    ici, au nord, où croissent des fleurs pour les yeux de personne, la neige sauvage, l'eau libre et le vent qui ne sait obéir

    vers le pays très seul qui est aussi la lande des larmes, la neige exacte sous le pas et la rive la plus blanche du clavier (vers un soleil de neige)

     

    le nord se passait de ses mains pour s'écrire, le traversait sans mal et s'inscrivait invisible sur la neige de la page, simple sans un bruit, flocons d'accents et puis toute petite musique claire

    au très large des côtes où rien n'est très possible et le silence très bleu

    son journal du nord, la neige l'écrirait à sa place en des mots invisibles

    au nord de tous les nords, de l'autre rive des neiges, une contrée sauvage et libre, une terre bleue

    son corps placé au plus nord, il n'en saurait pas davantage sur elle, n'entrerait pas dans le mystère aigu, la blessure si profonde et le songe aussi bien, mille notes de musique mille fois

    il l'appelait où elle ne viendrait pas, les mots qu'il ne pouvait et le grand silence nord, hiver mieux que l'hiver

    au nord parce qu'il le faut, en un pays plus loin que l'empire des airelles et le blanc de la neige, vers l'impossible absolument

    dans le pays qui n'est pas, même le lait est d'un noir de pétrole, l'hermine souille la neige

    au nord du nord de lui-même, au plus extrême des routes qu'il y eut et par le silence blanc où les mots ne vont pas

    moins noir sur blanc que blanc sous noir : toujours d'abord la neige

    sur son métier à aimer, à sa trame de silence, il ne croisait pas les péans glorieux et les hymnes trop hauts mais tissait volontiers en concert les toiles d'araignée des rosées de norvège et les fils de la vierge, voix plus minime sous le ciel, quasi déjà musique

    quant à chanter plus haut, il ne pouvait simplement pas, baissant la voix vers les choses plus petites, murmure des bulles à la surface profonde de l'eau ou même haleine du vent

    ce qu'il avançait d'elle, il le glissait discret sans en faire une histoire au vent du jardin bleu et le soufflait  aux très petites musiques, tibia ou flageolet, triangle d'or en forme de cœur et quadrature du cercle

    par le ténu et par le fin, via le chas du cœur, chemin minime et route la plus petite qui soit, guéret de l'encre et passage vrai des pleurs

    par seulement les notes d'une musique aussi grêle que les gouttes de la pluie ou les larmes, jusqu'à peut-être l'invisible, les rives blanches du silence

    on ne pleure pas en majuscules ou en gestes de théâtre, le chemin seul se vit dans le grand silence vide, fifre moins que tambour

    par des brins de mots simples, une misère d'encre et les accents les plus fins qui se tissent, un ruisseau d'invisible, une musique légère, légèrement

    là où se donnent rendez-vous les fleuves criminels et les poignards des autres mondes, l'encre d'aimer et le vaste silence qui prend tout

    à placer ses accents, il ne cherchait au petit jamais que le chas de l'aiguille de son cœur, chanson et destruction, flamme claire en sa toute naissance sombre

    il posait moins ses mots sur la peau de la neige en un jeu de brindilles, un mikado d'osier, qu'il ne passait par eux pour disparaître afin qu'il n'y eût qu'elle

    humble comme l'herbe ou bien la neige, servant d'une encre vers elle, page de la page et sherpa des grands monts de norwège

    dire le très grand amour par les mots très petits

    à la toute fin de tout (l'enfance), il deviendrait le premier mot de la première conjuguaison, le petit verbe chéri : j'aime / tu aimes / il ou elle aime

    la route où la nuit d'encre croisait l'or de norvège (la sécante de la foudre), il se devait de l'emprunter sauvage, destin de velours, pure perte et grand fleuve libre

    il ne posait jamais de majuscules à la naissance du souffle et passait très en hâte au large des mots de sept lieues pour s'en tenir plus pauvre à de simples silences, été le plu fin à la pointe de l'aiguille et musique si légère

    plus que les orages d'encre, l'ondée fine des voyelles / plus que les majuscules, les minuscules / plus que l'ordre des raisons les mots rouges que l'amour dit en nous

    rivière de diamants des étoiles ou bien pas, rivière d'enfance à la pierre blanche ou non, il n'y avait de rivière sans rivale que celle de ses cheveux en feu

    ce qu'il disait d'elle, chant blondé, lai de la voie lactée et blanc des murs

    pour rien au monde n'enfreindre le serment d'amour, justesse des lèvres et tendresse de la main qui caresse

    honni soit qui mal y aime et ignore tout des larmes, brasseur de vent, parleur de vide

    une langue tissée de silence et qui aime, paix blonde et calme vif, seuil de tout et des choses incertaines

    on ne perd pas le nord, on se perd en lui, on continue sauvage

    qui vit le poids du seul connaît aussi celui des larmes

    à de certaines heures plus profondes que schubert ou que brahms, même le silence pleure, la lumière

    on ne pleure pas en silence, on pleure le silence

    on ne pleure pas avec les yeux, on pleure avec le cœur, les larmes sont le sang invisible

    parce qu'il faut que cet amour soit dit, que les mots le rencontrent et que l'encre le rende, parce que

    il faut que le silence ait lieu, il faut que tout soit parce que tout vit, et le plus clair du chant et le très fin du sang

    il faut que les larmes larment, que les pleurs pleurent et que saigne le sang, il faut que le pur mal ait lieu

    à l'invisible nul n'est tenu mais tous se doivent,