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"Autrechose... ce me semble que l'épars frémissement d'une page ne veuille sinon surseoir ou palpite d'impatience, à la possibilité d'autre chose"

Stéphane Mallarmé

 

Poiéma

 

Responsables : Béatrice Bonhomme, Micéala Symington

 

Poiéma représente l’un des deux axes du Centre de recherches le Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature (Université de Nice). Les chercheurs qui participent à la vie de Poiéma sont des spécialistes de Littérature Française du Moyen Âge jusqu’au XXe siècle, des spécialistes de Littérature Générale et Comparée et également des spécialistes des Langues étrangères.

 

Si les poétiques modernes ont entrepris d'explorer, voire de dissiper les frontières entre réflexion et pratique esthétiques, notre projet, à travers le dialogue instauré au sein de ce groupe de recherches, est d'appréhender la poésie en étant conscient des sensations produites par l'œuvre artistique, mais aussi en s'interrogeant, dans une perspective spéculaire, sur la création de ces sensations.

 

Ce groupe de réflexion sur la poésie présente donc deux spécificités : d’abord, contrairement aux autres centres de poésie qui sont, le plus souvent, des centres de poésie contemporaine, nous présentons un projet qui permet, à travers le genre poétique, un dialogue diachronique entre différents siècles et différents contextes socio-culturels. Par ailleurs, avec le concours des spécialistes de la littérature comparée et de la littérature étrangère, notre groupe cherche à ouvrir la réflexion sur la poésie à d’autres domaines linguistiques et culturels. Après un cycle de conférences sur la question du rythme (textes publiés aux éditions Champion), nous abordons les questions de la traduction de la poésie et de la relation entre la poésie et l’image (colloque sur « Le Trait »).

 

Le Trait : langue, visage, paysage. De la lettre à la figure 

29 mars- 2 avril 2005

Organisation : Béatrice Bonhomme, Sylvie Ballestra-Puech, Micéala Symington

 

            Notre point de départ a été la récurrence chez plusieurs poètes contemporains de la comparaison entre langue et paysage, ce dernier terme appelant presque toujours celui de visage, par le jeu de l'étymologie autant que de la paronomase : le visage est ce qui s'offre à la vue tout comme le paysage est, selon le Robert, la « partie d'un pays que la nature présente à un observateur ». Cette comparaison se trouve notamment chez trois poètes qui participeront au colloque, Silvia Baron Supervielle, James Sacré et Michel Collot :

 

    Le paysage est quelque chose qui manque, me manque. Le mot paysage   remplace un mot qui n'a pas d'existence. C'est un mot qui manque, qui me manque. Le paysage est synonyme de passé, d'amour, de désir, de beauté : de tout ce à quoi l'accès absolu est impossible. il est aussi étrange que soi. Il est, comme dit le mot, un pays et un visage. Un pays effacé des atlas et un visage introuvable. Il est peut-être le visage d'un dieu.

Je compris qu'il pouvait être une langue. [...]

La langue du peintre se change en écriture de la lumière et silence des formes. Lorsque je me rapproche des papiers, j'ai la nostalgie de la peinture, du dessin, de l'abstraction. J'ai le désir d'écrire sans mots.[1]

 

   Venir en ta langue c'est comme apprendre un visage et des formes d'un pays. [2]

 

   La langue s'appauvrit de ne plus avoir à dire le concret, l'infinie variété des choses qui sont autant de versions du monde possibles. pour désigner une datte aux divers moments de sa maturation, l'arabe dispose d'une douzaine de mots différents. À production standard, vocabulaire de base.

 

Les mots eux-mêmes sont devenus des produits finis, prêts à consommer. le paysage se réduit au cliché, à la carte postale. Pour déconstruire ces préfabriqués de la parole et du regard, il faudrait cesser de le reproduire, pour à nouveau le produire. Renouer, artiste, artisan, paysan, le geste qui accompagne la croissance des choses, hors de nous et en nous. L'épouser, l'éprouver. En creusant la mémoire de l'idiome, y créer l'inédit.

 

La langue comme le paysage est toujours à refaire.[3]

           

 

            Pour mieux cerner les enjeux de ces comparaisons, la réflexion pourrait se développer selon deux axes, eux-mêmes pouvant à leur tour se subdiviser :

— le rapport à la langue pensée comme paysage et/ou visage, ce qui pourrait conduire à approfondir la notion d'"iconicité" de la langue[4] mais aussi à envisager l'écriture dans sa dimension concrète (le même verbe désigne en grec l'action d'écrire et celle de peindre), d'où une série d'interventions sur la calligraphie, qui d'ailleurs sert aussi de comparant pour définir la poésie. Serge Pey écrit, par exemple : « La poésie est comme la calligraphie arabe. On connaît le verset, on cherche à le retrouver dans le dessin de l'écriture. »[5] — une comparaison entre ces genres communs à la poésie et aux arts plastiques que sont le paysage, le portrait et l'autoportrait, avec toutes les rencontres possibles entre les deux.

            Il nous a semblé que le mot « trait » pouvait, grâce à son vaste champ sémantique, regrouper l'ensemble de ces approches. Il présente aussi l'intérêt d'apparaître dès l'Antiquité dans la réflexion esthétique et permet donc d'ouvrir le colloque à la diachronie. Ainsi une anecdote célèbre rapportée par Pline (XXXV, 81-83) est centrée sur la finesse du trait : Apelle l'emporte sur Protogène pour avoir tracé sur la toile une ligne quasiment invisible, la tenuitas constituant le degré ultime de la subtilitas, deux catégories qui valent pour la poésie comme pour les arts plastiques.

 

 

 



[1] Silvia Baron Supervielle, « Le paysage inconnu », Nu(e) 25 (mars 2003) : « Michel Collot », pp. 29-30.

[2] James Sacré, Une Fin d'après-midi à Marrakech, cité par Marie-Ange Paoli, « La présence de l'autre chez James Sacré », Nu(e) 15 (mars 2001), p. 66.

[3] Michel Collot, Chaosmos, Paris, Belin, « L'Extrême contemorain », 1997, p. 67.

[4] Voir, entre autres, Antoine Berman, La Traduction à la lettre ou l'auberge du lointain [1985], Paris, Seuil, « L'ordre philosophique », 1999, p. 58.

[5] Serge Pey, Réponse à un questionnaire sur la poésie, 1988, dans Si on veut libérer les vivants, il faut aussi libérer les morts, Voix éditions, 2000, p. 157.